Le vote transpartisan de la loi SERM, par les deux chambres, puis l’accord trouvé ce 7 novembre en Commission Mixte Paritaire ouvre la voie à la mise en place des RER en régions.
La question du financement a surplombé les débats.
Un engagement substantiel de l’État est attendu et espéré, accompagné de celui des collectivités, engagement budgétaire complété par d’éventuelles ressources fiscales nouvelles, et ce à la fois pour l’investissement et pour le fonctionnement des projets de RER métropolitains. Des précisions doivent être apportées sans tarder pour permettre aux collectivités de finaliser leurs projets. Malicieux, les sénateurs ont inscrit dans la loi le principe d’une conférence de financement à tenir avant le 30 juin 2024. La tarification des sillons doit également être revisitée pour l’adapter à une approche de volume des dessertes ferroviaires.
La détermination des territoires concernés
De l’ordre de 25 sites ont exprimé leur intérêt par le canal souvent concordant des régions et des agglomérations. Ce sont bien sûr les grandes métropoles, mais aussi des territoires de moindre importance, avec des étoiles ferroviaires puissantes ou avec des caractéristiques géographiques favorables. (zones côtières, vallées, nébuleuses urbaines…)
Les bassins concernés par les projets englobent la zone agglomérée, mais aussi les secondes couronnes périurbaines ou rurales, et selon les configurations peuvent aller au-delà. Ils coïncident largement avec les territoires dont les ronds-points ont été investis en 2018 par les Gilets Jaunes.
La question des modes de transport concernés a fait l’objet d’un assez grand consensus, mais aussi de nuances. La base est la massification des flux que permet le ferroviaire grâce à sa vitesse de pénétration et sa capacité d’emport, notamment lorsqu’il dessert les principaux pôles et traverse de part en part le territoire (ce dernier point est la différence essentielle entre un RER et un chemin de fer suburbain). L’accord s’est fait autour d’une double perspective temporelle : des chocs d’offre techniquement possible à échéance assez rapide et une vision à plus long terme impliquant des réaménagements plus ou moins important des infrastructures. Des points aussi fondamentaux que le cadencement, la diamétralisation des services ou la complétude temporelle des dessertes mériteraient d’être mentionnés dans la Loi.
Un choc d’intermodalités
Le vélo s’est invité dans le débat, preuve du fait qu’il s’étend progressivement à l’ensemble du pays. Ce mode souple démultiplie en effet la zone d’influence des gares et complète les tronçons manquants des réseaux de transports. Vélo et transports publics prennent conscience du statut d’alternative à la voiture qu’ils peuvent conquérir, s’ils unissent leurs efforts.
Pas assez mentionnés également, les chocs d’offre routiers nécessaires pour les bus et cars de rabattement. Les autobus et les autocars seront demain plus encore au cœur de la desserte du périurbain et du rural et sera gommée la fonction scolaire trop exclusive qu’ils remplissent. Le vœu du législateur d’inclure l’autocar dans les SERM sera aisément satisfait.
Au-delà, la question est implicitement posée la question des autocars sur autoroute. L’autocar jouera un rôle pour la desserte de zones périphériques mal reliées au réseau ferroviaire ou encore pour des dessertes de rocades. Mais de là à superposer sur les mêmes parcours un mode routier et un mode ferroviaire tous deux financés par le contribuable, nul doute que les autorités organisatrices seront légitimement prudentes.
Les modes partagés ont été eux aussi inclus dans la loi SERM. Le covoiturage est une source d’espoir pour limiter l’autosolisme, mais doit encore convaincre. L’autopartage, en revanche, d’ores et déjà été adopté par plus d’une centaine de villes françaises, semble très prometteur. Sa force provient de la redéfinition de la relation à l’automobile qu’il comporte et à laquelle aspire un nombre croissant de nos concitoyens.
L’usage de la voirie repensé
Si le consensus sur l’articulation des SERM et des infrastructures autoroutières est minimal, force est de constater que le rééquilibrage de l’usage de la voirie est une conséquence inéluctable des évolutions souhaitées. Rééquilibrage en faveur des vélos qui ont besoin sur les axes structurants de pistes réservées distinctes des espaces circulés ou des espaces piétons. Rééquilibrage en faveur des transports de surface demandeurs de voies réservées. Rééquilibrage en faveur des piétons qui ont été trop souvent la variable d’ajustement. Et donc une place plus raisonnée pour la voiture. A la fois pour les espaces de circulation et mais aussi les espaces de stationnement qui doivent être appréhendés d’abord comme un outil de régulation des trafics automobiles. Hors des villes, sur les voiries rapides, la problématique de voies réservées pour les véhicules à haute occupation est pertinente.
La problématique tarifaire, enjeu complexe et essentiel
Au-delà des modes de transports, la problématique tarifaire est également apparue au fil des débats parlementaires et la tentation du renoncement a été écartée notamment au Sénat. La tarification forfaitaire et interopérable indépendamment des modes et des opérateurs, en vigueur chez nos voisins allemands ou suisses, ou en Ile-de-France avec le Pass Navigo, fait figure de référence. La complexité réelle ou supposée du sujet n’en diminue pas l’impérative nécessité et commande de s’y prendre en amont. C’est une composante essentielle des projets SERM.
Les agglomérations éligibles
On le voit, c’est d’une refonte assez globale de l’offre de transport dans les bassins de mobilité quotidienne élargis dont il s’agit. La question s’est dès lors posée de la limite inférieure des agglomérations concernées. La barre a été fixée par le législateur à 100.000 habitants.
Quelle gouvernance ?
Autre interrogation apparue lors du débat parlementaire, quelles sont les collectivités en charge du dépôt des dossiers SERM ? L’Assemblée Nationale a fait reposer le système sur la double initiative conjointe des régions et des autorités compétentes pour les mobilités. Le Sénat introduit formellement dans le dispositif les communes et les départements et donne un rôle de chef de file à la région. La Commission Mixte Paritaire a réaffirmé l’initiative commune des autorités organisatrices de la mobilité et des régions.
Mais ce débat pourrait en cacher un autre, qui ne peut être tranché que par les collectivités concernées site par site, celui de la gouvernance robuste, pérenne et proche du terrain que l’organisation multimodale des RER métropolitains de bassin appelle. Ainsi, nombre d’entre elles travaillent sur des formules de gouvernance plus intégrées à l’exemple des syndicats mixtes.
Penser l’aménagement écologique du territoire
Enfin, difficile de ne pas évoquer ici le nouvel aménagement écologique du territoire attendu de ces projets. La loi mentionne la nécessaire densification autour des gares. Et c’est sans doute l’un des domaines où le retour d’expérience du métro du Grand Paris avec ses 68 nouvelles gares, ses nouveaux écoquartiers devrait être particulièrement scruté à un moment où l’impératif écologique et climatique implique de repenser de façon plus compacte les territoires.
Un peu éclipsé par l’actualité, le débat autour de la loi SERM est donc bien un moment-clé du cheminement qui devrait nous conduire à repenser nos mobilités du quotidien.
Il y a, en effet, urgence.