Les 6 et 7 décembre derniers, Objectif RER métropolitains organisait un voyage en Suisse alémanique et à Mulhouse.
C’est à l’invitation de Vincent Ducrot, Président des Chemins de Fer Fédéraux suisses, que notre délégation a pu approfondir sa connaissance des RER de Zürich et de Bâle et, au-delà, de l’approche de nos voisins helvètes qui exploitent 14 réseaux RER.
Ce voyage d’étude fut également l’occasion de constater de très larges convergences sur les 12 points-clés caractérisant un système RER, points-clés mis en débat par Objectif RER métropolitains il y a près d’un an.
Le RER de Zürich
Quelques données chiffrées :
- Le réseau RER actuel de Zürich comporte 23 lignes et une offre de nuit et de week-end.
- Environ 450.000 voyageurs sont transportés quotidiennement, sur un bassin de 1,9 million d’habitants dont 1,58 pour le seul canton de Zürich.
- Chaque ligne est cadencée, soit au 1/4 d’heure soit à la 1/2 heure avec une moyenne de l’ordre de 20 min.
- L’ensemble du territoire est couvert par une communauté tarifaire qui intègre les différents modes de transports, trains, trams, bus et bateaux.
- Le taux de couverture des charges par les recettes atteint la valeur record de 71%.
- 30 000 places de vélos sont aménagées près des gares avec notamment 20 vélostations.
- 150 points P+Rail sont en place avec une offre importante d’autopartage.
La mise en service en 1990, puis en 2006 de deux tronçons en souterrain en zone centrale a permis une augmentation continue de l’offre et de l’usage avec une offre entièrement diamétralisée qui relie l’ensemble du territoire cantonal aux points névralgiques de la capitale cantonale. Une réflexion est en cours pour organiser, à l’horizon 2050, l’offre autour d’un RER de deuxième génération qui comprendrait un réseau RER express et un réseau RER omnibus.
Parmi les nombreuses informations recueillies, un point a particulièrement retenu l’attention de la délégation française : les horaires des services sont construits à partir d’une trame de base identique toute la journée et 7/7 jours : les pointes sont traitées sous forme de renforts additionnels. Une approche en vigueur sur tous les RER suisses, visiblement couronnée de succès avec une importante fréquentation des trains tout au long de la journée et de la semaine, week-end compris.
Le RER de Bâle et le projet Herzstück
- Créé en 1997, le RER de Bâle comporte 8 lignes, 4 en Suisse vers la gare CFF de Bâle, 3 en Allemagne et une liaison Mulhouse-Bâle. Il est à cheval sur les cantons suisses de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d’Argovie, de Soleure et du Jura, sur le Land allemand du Bade-Wurtemberg et la Région Grand Est.
- Le cadencement est aux 30 minutes et aux 15 minutes sur certains tronçons centraux.
- Le trafic quotidien est de 150.000 voyages quotidiens, avec une part importante de trafic transfrontalier, sur un bassin de mobilité de quelque 900.000 habitants, en croissance régulière, en raison d’un grand dynamisme économique.
Les transports publics du bassin bâlois connaissent un fort état de saturation en particulier aux heures de pointe : les cadences insuffisantes du réseau S-Bahn, la multiplication des ruptures de charges du fait de la faiblesse de l’offre diamétrale (une seule ligne est diamétralisée et elle comporte un rebroussement de 8 minutes) et la saturation du réseau de tram (qui déploie pourtant les compositions de rames parmi les plus capacitaires au monde) et de bus.
Pour relever ces défis, une démarche de renforcement de l’infrastructure est engagée qui permettra d’ici 2050 de mettre en place un RER qui n’aura plus rien à envier aux plus grands :
- d’ici 2030 : aménagement de la desserte de l’aéroport de Mulhouse-Bâle ; création d’une ligne diamétrale entre la France et Liestal ; renforcement des liaisons côté allemand.
- d’ici 2035 : adoption d’un plan complet de renforcement de l’infrastructure comportant une quinzaine d’opérations.
- de 2035 à 2050 : déploiement du projet « Herzstück Basel » (Cœur de Bâle) pour créer un tunnel central de la gare CFF actuelle au centre de Bâle se séparant ensuite en deux branches (Est vers la gare de Bade en Allemagne, Nord vers les gares Saint-Jean et Saint-Louis). Ce projet permettra de renforcer les cadences, de diamétraliser l’offre et de connecter l’ensemble des territoires avec le centre de Bâle.
Côté français, une part significative du financement de la desserte de EuroAirport Basel-Mulhouse-Freiburg est prévu dans le CPER de la Région Grand Est qui vient d’être signé.
Les CFF et SNCF Voyageurs ont d’ores et déjà créé une société commune, EuroBasilea.
Le tram-train de Mulhouse
Dernière étape de notre voyage d’étude, la visite du tram-train de Mulhouse qui coïncidait à deux jours près avec l’inauguration du tram-train T12 par Ile-de-France Mobilités. L’ occasion de revenir sur ce concept venu d’Allemagne, il y a trente ans, et qui reste très actuel.
On doit le concept au Dr Dieter Ludwig, ingénieur de la DB devenu directeur des tramways de Karlsruhe, qui deviendra plus tard président de l’union allemande des transports et disparu en 2020. Dieter Ludwig sut mettre en œuvre l’idée astucieuse d’interconnecter réseaux ferrés classiques et réseaux trams pour démultiplier les possibilités de liaisons afin de desservir un bassin de mobilité.
Outre-Rhin, cinq agglomérations de taille intermédiaire ont adopté le concept, le portant parfois très loin. Ont été ainsi bâti de véritables RER légers aux côtés des 15 RER classiques.
Le concept s’est diffusé en Europe, faisant dialoguer la culture ferroviaire classique et la culture urbaine traminote et a contribué sans nul doute à leur dépassement, avec une grande variété de solutions techniques mises en œuvre.
En France, l’intérêt fut vif, porté par une dizaine d’agglomérations, le GART et la direction du périurbain de la SNCF d’alors.
Le tram-train de Mulhouse mis en œuvre par la Région Alsace et l’agglomération de Mulhouse est une réplique assez proche de la première liaison mise en place à Karlsruhe. Il relie la vallée industrielle de la Thur au centre de Mulhouse, avec une cadence continue à la demi-heure, 10.000 voyageurs quotidiens et garde un potentiel encore significatif d’évolution.
En Ile-de-France, une adaptation avisée du concept tram-train a été réalisée, notamment avec les trams-trains T11, T13 et tout récemment T12* donnant un débouché aux projets de liaisons tangentielles portés de longue date par la SNCF. En Région Pays de la Loire, les trams-trains Nantes-Clisson et Nantes-Chateaubriand mis en place en 2011 et en 2014 assurent une part de marché importante aux transports sur ce secteur du bassin de mobilité nantais. D’autres projets, moins heureux, ont notamment buté sur des questions d’organisation.
L’expérience des trams-trains est riche d’enseignements pour la mise en place des RER métropolitains aujourd’hui à l’ordre du jour dans plus de 20 bassins de mobilités : les trams-trains font incontestablement partie des solutions techniques possibles, aux côtés des solutions ferroviaires plus classiques.
L’expérience des trams-trains illustre maintenant depuis plus de deux décennies la nécessité pour tous les projets de RER métropolitains en cours ou à venir de s’appuyer sur une volonté forte dans la durée et de solides partenariats entre les protagonistes des projets.
Ces thèmes seront à nouveau à l’ordre du jour lors des Journées des Mobilités du Quotidien – les 8 et 9 février prochains à Strasbourg.
*T12 reliera ainsi dès 2024 toutes les 12 minutes deux pôles stratégiques du Sud Francilien, Massy et Evry, circulant sur le réseau ferré national de Massy à Epinay et sur voirie d’Epinay à Evry.