Par Jean-Claude DEGAND, porte-parole de l’Association Objectif RER métropolitains dans le journal Le Monde.
L’annonce présidentielle de l’objectif de mise en place de 10 RER dans les grandes agglomérations constitue l’un des événements de ce début de mandat : volonté de développer puissamment les transports publics comme alternative à la voiture particulière, structuration écologique des territoires périurbains. La France rejoindrait ainsi l’Allemagne (14 réseaux S-Bahn), l’Espagne (13 réseaux Cercanias) et la Suisse (14 réseaux RER) dans un acte majeur de développement de son secteur ferroviaire.
Aucune difficulté à identifier les territoires potentiels : ce sont près d’une quinzaine de territoires qui dans la foulée ont manifesté ou confirmé leur intérêt. Quelques jours plus tard, la Métropole Européenne de Strasbourg ouvrait le bal avec la première étape de son REME, un choc d’offre de 120 trains supplémentaires soit +43% sur les axes desservis.
DES PROJETS D’AMPLEUR POUR UNE STRATÉGIE DE VOLUME
Plusieurs conditions importantes doivent être réunies pour réussir ces projets complexes :
- Les offres à mettre en place sont des offres de volume : cadence minimale du quart d’heure à l’heure de pointe, amplitude de service élargie, matériels adaptés à des montées-descentes rapides, de façon à s’adapter au mode de vie urbain ou périurbain.
- Ces offres nouvelles s’appuieront sur les étoiles ferroviaires qui irriguent la quasi- totalité des agglomérations concernées : une première étape avec l’infrastructure actuelle est souvent possible. Au-delà, des aménagements d’infrastructures, des gares nouvelles, voire des tronçons de voie nouveaux seront nécessaires. La diamétralisation des services limitera les correspondances pour les voyageurs et désaturera les gares en évitant le stationnement prolongé des rames. La mise en place complète de ces RER est envisageable en plusieurs étapes successives d’ici 2030 dans la très grande majorité des agglomérations pressenties.
- L’articulation avec les autres réseaux de transports se fera grâce à des pôles d’échanges judicieusement répartis pour créer une continuité de service entre trains, métros, tramways et bus. Des cars express viendront en complément pour les secteurs à l’écart du train. L’intermodalité train + vélo recèle un potentiel important à travailler en aménageant des aires de stationnement vélos près des gares pour le premier et le dernier kilomètre et en facilitant l’emport du vélo dans les trains.
- L’usage fréquent sera rendu possible par des tarifications multimodales et globales au mois ou à l’année, utilisables avec le téléphone mobile avec lequel on calculera les itinéraires multimodaux en temps réel.
La gouvernance de ces projets à cheval sur les domaines d’intervention des régions, des métropoles, des départements et des communes suppose la définition d’un cadre institutionnel ad hoc permettant de mettre en œuvre dans la durée des consensus transpartisans. Plébiscités lors des débats transport de la campagne présidentielle, confortés par la logique de cohabitation qui prévaut dans la gouvernance des métropoles, les RER métropolitains semblent en mesure de rassembler les énergies.
L’évaluation des projets doit être menée au-delà des premières estimations qui circulent. Nul doute que des moyens financiers nouveaux significatifs soient nécessaires. Il faudra alors y voir clair entre ce qui peut relever d’une part des modes actuels de financement via les contrats de plan Etat-régions ou les dotations d’État à la maintenance et à la régénération de l’infrastructure ferroviaire et d’autre part le produit de ressources nouvelles comme la taxe sur les bureaux qui finance le métro du grand Paris ou un versement mobilités élargi.
La voie doit être ouverte à la mise en place de modes de réalisation souples des projets analogues à celui du métro du Grand Paris, avec des sociétés de projet maîtres d’ouvrage associant l’État et les collectivités concernées et mobilisant les financements nouveaux nécessaires. Ces sociétés pourraient intégrer les opérations urbaines ou suburbaines qui sont les premières étapes des LGV PACA et Bordeaux-Toulouse.
L’exploitation des services relèvera de la mise en concurrence conformément à la réforme ferroviaire de 2018 et nul ne doute de l’intérêt qu’elle suscitera.
Structurer les territoires
La force des RER tient aussi au fait qu’ils sont en mesure d’orienter l’aménagement urbain et de structurer un développement territorial multipolaire autour des quartiers-gares qui attirent les activités et favorise la densification de l’habitat comme cela a été constamment observé. A plus grande échelle, des corridors se dessinent qui deviennent des axes forts de développement. Les RER contribueront à contenir l’étalement urbain et concourront à la limitation de l’artificialisation des sols. Aux communes et intercommunalités concernées de prendre le relais, dans les documents d’urbanisme et pour aménager des écoquartiers.
Enfin, il importe, dans une France où la crainte du déclassement territorial est forte, de répondre par avance à ceux qui attisent ce sentiment : la puissance des solutions déployées avec les RER dans les bassins des métropoles tient à la force de la demande qui s’y fait jour, et l’on doit traiter avec la même détermination politique les villes moyennes et les territoires ruraux pour y déployer les solutions adaptées pour garantir le droit à la mobilité qui figure dans la Loi d’Orientation des Mobilités de 2019. Et à ceux qui craindraient de transposer en régions une solution teintée de parisianisme, on fera observer que les systèmes RER en Europe concernent d’abord des territoires qui ressemblent aux métropoles françaises, la mégalopole francilienne aisant figure d’exception.
Avec les critères observés en Europe, c’est au moins un français sur deux qui est concerné par les RER, en Ile-de-France ou en régions pour faire évoluer ses déplacements.